
Le destin de cette vieille dame de 95 ans, ici en compagnie de sa voisine, a été bouleversé par la première guerre du Haut-Karabagh. Ses quatre fils ont péri dans le conflit.
Ils ont, comme des milliers d’autres, payé de leur vie leur refus du rattachement de leur territoire à l’Azerbaïdjan. Cette situation administrative imposée n’a jamais été admise par la population, l’histoire l’a montré à maintes reprises. À l’issue de la première guerre mondiale, alors que la chute de l’empire russe a rebattu les cartes dans la région, le Congrès du Haut-Karabagh vote contre la soumission à la tutelle de la jeune République d’Azerbaïdjan puis pour le rattachement à l’Arménie. Un souhait bientôt balayé par le parti bolchevik. Constitué en région autonome en 1923, le Haut-Karabagh réitère à plusieurs reprises cette volonté, à nouveau confirmée par un vote du parlement régional en 1988, mais toujours ignorée par le pouvoir central. En 1991, à la chute de l’URSS, c’est l’indépendance qui est plébiscitée par la communauté arménienne locale, puis proclamée formellement. Plus récemment, en 2017, plus de 87% des votants approuvent par référendum la nouvelle constitution du Haut-Karabagh.
Tout indique donc qu’une large majorité de la population aspirait depuis longtemps à l’existence d’un État à part entière. Or, bien que des institutions démocratiques aient été mises en place, cette aspiration n’a jamais été prise en compte, la République du Haut-Karabagh n’ayant pas été reconnue au niveau international. La charte des Nations Unies signée en 1945 a pourtant réaffirmé le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais en pratique, ce droit est complexe à faire appliquer, notamment à cause du risque de morcellement du monde qu’il implique. C’est pourquoi les instances internationales ont généralement fait primer le principe de l’intégrité territoriale, gage de stabilité, sur le droit à l’autodétermination. Or l’Azerbaïdjan peut légitimement revendiquer la souveraineté sur le Haut-Karabagh. Car en dépit de son peuplement quasi exclusivement arménien, le territoire lui avait été attribué en 1921 par le bureau caucasien du parti bolchevik avec l’aval du commissaire du peuple aux nationalités, Staline. Cette décision n’a jamais été remise en cause par les États membres de l’ONU. Elle l’est d’autant moins aujourd’hui que l’influence du pays, producteur de gaz et de pétrole, est sans commune mesure avec celle de la petite Arménie dépeuplée et affaiblie. Un pays isolé où vivent désormais nombre de femmes réfugiées qui se demandent pourquoi leurs enfants sont morts pour défendre le Haut-Karabagh.