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Ce sont sans doute les œuvres les plus emblématiques du patrimoine arménien. Depuis le IXe siècle, les khatchkars, littéralement « pierres à croix », ont essaimé partout dans le pays, signe de son identité profondément chrétienne.

 

On estime qu’il en existe plusieurs dizaines de milliers. Nombreux dans les cimetières, comme ici, ils jouent le rôle de stèles funéraires, gravées d’inscriptions demandant le salut de l’âme du défunt. Mais on en rencontre aussi au bord des routes ou des chemins, parfois érigés pour commémorer un événement particulier, parfois en simple signe d’adoration. Comme le veut la tradition arménienne, ils ne portent pas le corps du Christ mais des feuilles et des fruits qui symbolisent la victoire de la vie sur la mort. Ces motifs végétaux alliés à des formes géométriques et des arabesques forment une ornementation d’une grande richesse. Le plus souvent, la croix est surmontée d’un arc qui pourrait symboliser la porte évoquée dans l’évangile de Jean, selon lequel le Christ aurait dit : « Je suis la porte, si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé. »

Hélas, les khatchkars du Haut-Karabagh courent un péril certain depuis la prise de possession du territoire par l’Azerbaïdjan. Car les scientifiques qui tentent tant bien que mal de documenter l’effacement des traces arméniennes dans cette région se heurtent à une difficulté majeure : la taille de ces stèles ne permet pas de repérer leur destruction via les images satellites comme on peut le faire pour une église par exemple. Les craintes sont d’autant plus vives qu’au Nakhichevan, territoire aujourd’hui azerbaïdjanais qui fit jadis partie de l’Arménie historique, le cimetière de Djoulfa, constitué de plusieurs milliers de khatchkars a été entièrement détruit. Depuis 2005, il n’en reste plus rien et le gouvernement azerbaïdjanais nie non seulement cette destruction mais le fait même que cette nécropole ait jamais existé.