
La fabrication du pain traditionnel arménien, le lavash, nécessite un savoir faire bien spécifique.
La pâte, mélange de farine, d’eau et de sel, est longuement pétrie par les femmes qui la manipulent avec une dextérité impressionnante, rivalisant avec le plus habile des pizzaiolos. Elles la divisent ensuite en boules, finalement aplaties dans des moules semblables à celui qu’utilise cette villageoise. Appliqué contre les parois du four traditionnel, chaque pâton sera décollé après un court temps de cuisson. Au quotidien, le lavash est fréquemment enroulé comme une crêpe et est garni de fromages locaux, de légumes ou de viande. Du moins lorsque les conditions de subsistance le permettent. Cela n’a pas été le cas au Haut-Karabagh entre décembre 2022 et septembre 2023 : le blocus imposé par l’Azerbaïdjan empêche alors les habitants de s’approvisionner en Arménie.
Au fil des mois, la pénurie de nourriture s’aggrave, conduisant à des scènes de désolation, comme ces files d’attente formées dès le petit matin pour avoir accès à des magasins presque vides. Une situation de famine s’installe peu à peu et, en août 2023, la mort pour cause de malnutrition chronique d’un homme de 40 ans est officiellement annoncée. Plusieurs experts internationaux qualifient alors le blocus de génocide en se référant à la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression de ce crime. Selon ce texte la « soumission intentionnelle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » constitue un génocide. Épuisés par des mois de privations, les habitants ne pourront opposer aucune résistance lorsqu’en septembre 2023, l’Azerbaïdjan lancera l’assaut qui les forcera à l’exode.