
L’histoire, malheureusement, se répète, pour ce père et son fils. Enfant, le père faisait partie de la communauté arménienne vivant à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan.
En janvier 1990, en marge de la première guerre, un pogrom est perpétré contre cette population. De nombreuses familles, comme la sienne, sont obligées de fuir le pays. En 2017, lorsqu’Yvan Travert le rencontre, cet homme a pris racine et fondé une famille dans la petite ville de Chouchi. Mais ce bonheur simple ne durera pas. Trois ans plus tard, la seconde guerre du Haut-Karabagh éclate et la ville est conquise par l’Azerbaïdjan. S’il n’a pas été tué lors de ce conflit, l’homme est à nouveau déraciné. Et son fils a connu le même sort que lui au même âge. Leur destin illustre bien les dissensions séculaires opposant Arméniens et Azerbaïdjanais. Elles ont donné lieu, dans l’histoire du XXe siècle, à plusieurs épisodes de massacres inter-ethniques et de déplacements forcés de populations. Mais depuis quelques années, un véritable discours de haine anti-arménienne s’est propagé depuis le plus haut niveau de l’État azerbaïdjanais. Plusieurs instances internationales se sont émues de cette rhétorique hostile largement reprise par les médias et les réseaux sociaux. Le président Ilham Aliyev en fait régulièrement usage, traitant les Arméniens de « barbares et vandales », de « malades » infectés par « un virus », ou se réjouissant, en 2020, que ses soldats les aient chassés du Haut-Karabagh « comme des chiens ».
Ce discours vise à façonner l’état d’esprit des habitants dès leur plus jeune âge, comme le déplore le Conseil de l’Europe, qui note que les manuels scolaires présentent les Arméniens sous un jour « stéréotypé et dévalorisant ». Symbole de cette arménophobie officiellement encouragée, le sort réservé à Ramil Safarov. Lors d’un stage organisé par l’Otan à Budapest en 2004, cet officier de l’armée azerbaïdjanaise avait sauvagement assassiné un militaire arménien dans son sommeil, au seul motif de sa nationalité. Condamné à la réclusion à perpétuité par la justice hongroise puis extradé, il fut accueilli en héros, gracié par Ilham Aliyev et même récompensé. Plus récemment, cette haine assumée a été mise au service de revendications territoriales sur l’Arménie elle-même que le président nomme « Azerbaïdjan occidental ». Une nouvelle menace sur les espoirs de paix dans la région. Et sur la perspective d’un avenir serein pour ce père et son fils.